Bien que je sois un ancien membre qui en a vu de toutes les couleurs sur ce forum, je me suis rendu compte, lors de ma récente retraite forcée au Tibet, que je ne m'étais jamais vraiment présenté sur ce forum. Et puisque c'est maintenant la mode d'ouvrir tout grand son coeur et de se mettre à nu, j'aimerais en profiter pour corriger ce malencontreux impair.

Issu d'un milieu très modeste, d'un père alcoolique et tyrannique, j'ai dû travailler très tôt pour me payer des vêtements et des chaussures. À 12 ans je travaillais au noir, pour un dollar l'heure, dans une pharmacie où je livrais les commandes à bicyclette. 13-14 ans, je travaillais sur une ferme au Vermont. À 15 ans je travaillais au port de Montréal à enlever la rouille sur les coques des bateaux, pour deux dollars l'heure. 16-18 ans, j'ai travaillé dans des usines et des entrepôts. J'ai occupé un poste de placier pendant un été. 19-21 ans, j'ai travaillé comme préposé dans un hôpital.

Parallèlement, j'ai décroché deux diplômes universitaires (mathématiques et informatique) sans l'aide de personne. J'étais entièrement autonome dès l'âge de 18 ans. Après avoir vécu quelque temps avec une infirmière que j'avais connue à l'hôpital, et qui m'a donné un fils, je suis entré par la grande porte au Centre de Recherches Mathématiques de l'Université de Montréal où j'ai oeuvré comme assistant de recherche et programmeur pendant sept ans. J'ai co-signé une douzaine d'articles scientifiques publiés dans différentes revues spécialisées à travers le monde. Puis le Gouvernement du Canada nous a coupé nos subventions et je me suis retrouvé à la rue.

S'en est suivie une période noire où j'ai sombré dans la drogue et dans des boulots obscurs. Je me suis retrouvé sur l'aide sociale. Finalement, un ami (dont j'avais aidé la soeur auparavant) m'a tiré d'affaire et m'a fait entrer dans une boîte de développement de logiciels, où j'ai oeuvré pendant plus de douze ans, en développant des logiciels et des systèmes informatiques pour différentes compagnies. J'y ai rencontré la mère de ma fille.

Après avoir été achetée par Québécor, puis tablettée, la compagnie a fini par crever et je me suis encore retrouvé sur le sable. Mais cette fois j'avais une expertise intéressante dont j'ai pu tirer profit. Je suis devenu travailleur autonome, et depuis je réussis tant bien que mal à survivre avec les contrats que je décroche à droite et à gauche. Mais c'est pas le Pérou.

Voilà.

Hal, je tiens personnellement à te remercier pour avoir été aussi clair et précis à l'heure de la franchise. J'espère que ton retour parmi nous sera marqué par de la coopération, de la collaboration et du savoir être. Tu as mangé de la vache enragée et moi de même.
Je te comprends très bien.

Mon père était aussi un alcoolique qui était, comme ma mère d'ailleurs, d'une froideur cadavérique.
Moi aussi j'ai commencé à travailler à 15 ans à ramasser des fraises à l'Iles d'Orléans ou des Bleuets au Lac St-Jean alors que je vivais dans une tente grande comme un mouchoir de poche et que je bivouaquais du mieux que je pouvais. Mes 5 diplômes universitaires je les ai payé à la sueur de mon front (bûcher dans le Parc des Laurentides, ramasser des tomates en Ontario, empiler de la tourbe dans le comté de Bellechasse, préposé aux bénéficiaires dans un CHSLD puis dans un hôpital psychiatrique, classer des documents aux Archives nationales à Montréal. Depuis l'âge de 15 ans, je n'ai jamais reçu un cent de mon père.

Après ma graduation, j'ai commencé à travailler à Roberval pour 13 643 $/an et c'était pour moi le Pérou. J'ai payé, pour la première fois de ma vie, la traite à un couple d'amis ! Mais il a fallu, tout au cours de ma longue carrière, me battre pour avancer car je n'étais pas le comble de la diplomatie. On m'a souvent dit qu'un peu de Fleecy, dans mon cas, ce ne serait pas de trop !

A+ compagnon d'armes. Le roi est mort, vive le roi !

Quand j'étais jeune, l'hiver y'en avait d'la neige pis on se levait à 3 heures du matin pour aller à l'école, 3 milles à pied aller, 3 milles à pied revenir, à travers les champs dans d'la neige jusqu'à la taille, à moins 40 avec un vent pour écorner les boeufs, pis ça existait pas le facteur vent dans l'temps!

Monsieur Pachino, toujours ravie de refaire votre connaissance...

Halpachino,

Tu es un homme brillant. Personnellement je te dois beaucoup car j'ai puisé dans ta science pour avancer. Tu m'as prouvé qu'il fallait toujours se battre pour défendre son point de vue et toujours avoir le courage de ses opinions, même si le prix à payer pour cela est cher. Tu es un homme de valeur et je suis très fier de converser avec toi.

Je me permets d'entrer dans ton salon pour te souhaiter la bienvenue chez toi, cher Hal. Bien heureuse que tu sois de retour, je commençais à m'ennuyer !

Merci pour ces beaux mots et cette belle appréciation, franchement ça m'a fait chaud au coeur !

Baffie mon ami, je t'en dois une. Deux même ! Je dois avouer que parfois, je t'en veux un peu, car quand je me compare à toi j'ai l'impression d'être devenu un vieux grincheux qui a perdu toutes ses illusions et sa confiance en la nature humaine. Mais pour ce qui est d'avoir le courage de ses convictions, visiblement, tu n'as pas beaucoup à m'envier... Je te remercie sincèrement pour ça, car c'est effectivement l'essence de mon discours, et ce qui motive ma présence sur un forum.

En revanche, les gens ne sont pas obligés d'avoir les mêmes motivations que moi. Je dois comprendre qu'une personne peut avoir le goût de venir sur un forum sans se sentir obligée de défendre chaque mot. Et à cet égard, je devrais davantage m'inspirer de ton calme et de ta sensibilité légendaires pour apprendre à y aller plus doucement dans mes interventions, et pour me montrer moins intransigeant au niveau des arguments. En somme, je dois apprendre à laisser tomber une discussion lorsque, de toute évidence, celle-ci n'avance plus et ne rapporte plus rien à personne.

Bonjour Halpachino.

J'ai lu ta description avec beaucoup d'intérêt. Quelle vie quand même.
Je ne me mettrais pas à nue comme tu le suggères dans ton dernier post (sinon il va y avoir du monde au balcon...) mais exposer ainsi sa vie à des inconnus sur un forum est quand même un exercice d'équilibriste. Mais je veux bien m'y soumettre (quoique je ne suis pas du genre à me soumettre facilement)

Je suis née à Paris, dans le 14ème arrondissement. Mes parents étaient somme toute parfaitement normaux. Mon père ne buvait pas, ma mère encore moins.
Nous vivions dans un appartement parisien dans les beaux quartiers du 14ème. Papa était cadre chez Thomson, maman ne travaillait pas.
Coureur de jupon (comme Hyppolite et SOA ) mon père a fini par mettre les voiles avec sa jeune secrétaire.
Nous nous sommes retrouvés, ma mère, ma soeur et mon frère aînés, seuls sans un sou ! Je n'avais que 18 mois, donc évidemment je n'en ai pas directement souffert.

Nous sommes allés vivre dans le 13ème arrondissement de Paris, plus populaire. J'ai fréquenté l'école publique où j'étais une élève moyenne et décrite comme une enfant calme et docile.
Je regardais la vie des adultes devant mes yeux, défiler, comme une observatrice en dehors du temps.

Ma soeur et mon frère partis, j'étais seule avec maman. Je commençais, vers 12-13 ans à tourner mal. Je ne travaillais plus à l'école.
Ma mère m'a envoyé vivre chez mon père qui, entre temps, s'était remarié avec une bonne femme hideuse et tyrannique.
Pour se débarrasser de moi, ils m'ont foutue en pension toute la semaine, chez les frères maristes, en Alsace où vivait mon père.
Paris me manquait.

Mon père avait ce talent d'être un homme redoutable en affaire. Très affûté et très habile, mais loin d'être un escroc. C'était quelqu'un qui savait faire affaire.
les marchés pour lui n'avait aucun secret. J'ai été initiée donc très tôt.
L'école ne m'intéressait pas. J'ai fais ensuite des études chaotiques.

Issue d'une famille juive, à 18 ans mon père m’envoie faire mon service militaire en Israël. J'étais enthousiaste à cette idée. Les femmes font deux ans et les hommes trois.
Je me souviens encore de mon arrivée à Tel-Aviv. N'étant pas une "religieuse", je n'avais fréquenté que très peu la synagogue. Mon père ne l'étant pas du tout. Ma mère encore moins.

Pendant quatre mois, j'ai appris le métier des armes en même temps que d'apprendre l'hébreu, carrément indispensable.
J'ai souffert le martyre à faire des marches et des bivouacs dans le désert du Neguev. Mais j'aimais ça bizarrement.
Je suis affectée dans un régiment de soutien. On bouge beaucoup d'une région à l'autre
Je me suis faite des ami(e)s incroyable et pour la vie. J'y ai connu l'amour aussi ! et oui. Il s'appelait Oleg et à l'évoquer j'en ai les larmes aux yeux.
c'était un jeune juif de Russie, avec des yeux bleus magnifiques. D'une tendresse rare.
Il sera grièvement blessé à la frontière israelo-libanaise, il meurt de ses blessures quelques heures plus tard dans un hôpital de campagne.
Mon moral est au plus bas, les copines sont là et m'entourent de leur amour.
Sarah sera une de mes plus grandes amies et l'est toujours. Sarah est une trader, elle va m'en apprendre beaucoup.

Je change ensuite d'affectation et suis versée dans une compagnie d'infanterie, au sud (les femmes combattent aussi)
Je vais passer des heures et des jours à patrouiller avec les mishmar hagvoul (les gardes frontières). Il fait des chaleurs accablantes.

Je regagne la France. Je travaille rapidement pour des sociétés de bourse. J'y excelle, cela me plait.
Et puis, depuis cinq ans, je vis pour moi. Je suis libre financièrement parce que j'ai réussi à trouver des revenus résiduels. Et suis heureuse ainsi.
Mais je reste une femme avec des blessures de guerre que personne ne comprend ici (je parle de la France).

Voilà, j'en oublie bien sûr
Bises

Pas à dire...vos vies ne sont pas de longs fleuve tranquille!

J'ai mis de côté mon roman en cours pour vous lire car vos histoires personnelles sont dès plus intéressantes. J'en ai des frissons tout du long. La réalité, comme on dit, est souvent meilleure que la fiction !

Salut Patricia !

Vraiment je suis comblé ! Jamais je ne me serais attendu un jour, même dans mes rêves les plus fous, à recevoir de si belles confidences dès le premier regard...

Mais sérieusement ton texte m'a beaucoup touché. Quelle ouverture... autant vis-à-vis toi-même que vis-à-vis des autres, avec cette sensibilité suspendue à chaque phrase, c'est carrément de la poésie. Mon bon ami Baffie sera sûrement d'accord avec moi...

Ton récit m'a connecté sur plein de beaux souvenirs, malgré ses épisodes tristes et tragiques. J'ai connu une jeune fille juive quand j'avais 17 ans. Je l'avais prise pour une Française, mais en fait elle était d'origine marocaine. J'étais fou d'elle, carrément. Elle m'avait entendu fredonner un air de Moustaki, qu'elle adorait, et m'avait abordé. On travaillait au même endroit, mais pas dans la même équipe. On s'arrangeait pour prendre nos pauses en même temps... Elle allait faire médecine, à l'Université de Montréal, on s'était promis de se revoir, mais la vie en a décidé autrement. Pas sûr d'ailleurs que ça aurait pu coller. Les différences culturelles peuvent être attrayantes vues de loin, mais pour les vivre au quotidien c'est une autre paire de manches.

Je ne sais pas si un quelconque dieu mesquin a voulu me donner une leçon mais, quelques années plus tard, à l'université, j'ai rencontré Haïfa, une jeune étudiante d'origine syrienne. D'une beauté rare. Le teint parfaitement basané, des lèvres charnues qu'on a le goût d'embrasser, des yeux de Cléopâtre... Malgré ses origines elle était très ouverte, et ne portait pas le voile. D'ailleurs, je ne sais pas si j'aurais pu approcher une femme voilée mais bon, c'est une autre histoire... Quoiqu'il en soit, ce fut également un amour platonique. Elle avait un regard pénétrant cette fille, je n'ai jamais plus connu quelque chose de semblable. Quand elle vous regardait, vous aviez l'impression qu'elle lisait dans votre âme...

Mais bon, je ne sais pas si j'aurais apprécié me retrouver avec quelques ben Laden comme beaux-frères. Le temps a peut-être bien fait les choses en ce qui me concerne: j'ai délicatement rangé dans mes tiroirs secrets ces belles aventures exotiques et suis sagement rentré au bercail, retrouver les belles de mon pays.