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Re: Les personnes qui vivent saoul ou droguées
Publié : ven. nov. 25, 2011 2:13 am
par AnneB.
Bonsoir,
Jackie a écrit :
Pour n'être pas les esclaves martyrisés du Temps, enivrez-vous; enivrez-vous sans cesse! De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise!
Et? z'avez jamais réfléchi à la place du mot? A la rigueur, il pourrait enlever ce mot, il le ferait: il le garde pour l'allitération et le rythme prosodique. Il lui aurait préféré sève? Mais il lui faut conserver la métaphore...
Vous avez lu le Vin des Amants qui ne parle pas de vin?
L'ivresse alcoolique? il n'en cause même pas dans Sed Non Satiata, et encore, là où il évoque le nuits (mais non y pas de faute), il ne parle pas de vin: il parle du désir pour une femme qu'il ne peut pas satisfaire tant son appétit (sa soif -comme vous voulez) sexuel est grand.
Enivrez-vous n'est pas du tout un poème qui pousse à lever le coude, non. Il parle de soif de savoir, de soif de "poésie", soif de "vertu", comme d'un besoin vital pour l'élévation de l'âme. Celui qui y voit la justification alcoolique n'a rien pigé à Baudelaire.
Re: Les personnes qui vivent saoul ou droguées
Publié : ven. nov. 25, 2011 2:33 am
par Auzelles
En attendant de saouler avec un bon cru je me suie enivrée de sommeil
Re: Les personnes qui vivent saoul ou droguées
Publié : ven. nov. 25, 2011 8:38 am
par Harry Tuttle
AnneB. a écrit :Bonsoir,
Jackie a écrit :
Pour n'être pas les esclaves martyrisés du Temps, enivrez-vous; enivrez-vous sans cesse! De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise!
Et? z'avez jamais réfléchi à la place du mot? A la rigueur, il pourrait enlever ce mot, il le ferait: il le garde pour l'allitération et le rythme prosodique. Il lui aurait préféré sève? Mais il lui faut conserver la métaphore...
Vous avez lu le Vin des Amants qui ne parle pas de vin?
L'ivresse alcoolique? il n'en cause même pas dans Sed Non Satiata, et encore, là où il évoque le nuits (mais non y pas de faute), il ne parle pas de vin: il parle du désir pour une femme qu'il ne peut pas satisfaire tant son appétit (sa soif -comme vous voulez) sexuel est grand.
Enivrez-vous n'est pas du tout un poème qui pousse à lever le coude, non. Il parle de soif de savoir, de soif de "poésie", soif de "vertu", comme d'un besoin vital pour l'élévation de l'âme. Celui qui y voit la justification alcoolique n'a rien pigé à Baudelaire.
Ce que TU n'as pas pigé chez Baudelaire c'est que ce n'est pas un moraliste.
Ce que dit Baudelaire, je crois qu'on se doit de le prendre au mot. Il dit « de vin, de poésie, de vertu, à votre guise » parce qu'il entend, de vin, de poésie ou de vertu. Ni plus, ni moins.
L'histoire de l’allitération et de la métaphore ne colle pas avec un poète aussi rigoureux et achevé.
Et pour ce qui est du « Vin des amants », une autre fois, tu fais erreur :
[...]
Partons à cheval sur le vin
Pour un ciel féérique et divin
[...]
Il est évident que Enivrez-vous parle d'une ivresse bien plus ample que simplement celle du vin (c'est explicite), mais le vin n'y est pas exclus, loin de là.
Re: Les personnes qui vivent saoul ou droguées
Publié : ven. nov. 25, 2011 9:41 am
par AnneB.
Bonsoir,
Baudelaire n'a rien d'un moraliste, ça je veux bien. Ce que vous en faites, ça je ne veux pas.
Ceux qui en retiennent l'injonction à boire ne vont pas assez loin dans le texte. Un loupé dans la fonction phatique?
Baudelaire, je maintiens, ne pousse pas à l'ivresse alcoolique. Faut pas confondre l'alcoolique de l'épicurien, merci bien. L'épicurien recherche le bonheur, pas le plaisir... C'est une forme d'ataraxie qu'encourage Baudelaire. Sûrement pas à une consommation d'alcool, malgré l'impératif. Il en va de même dans le vin des amants où il est question d'ivresse amoureuse, là encore..
Que diriez-vous d'Apollinaire, en ce cas?
Les références à l'alcool chez lui ne sont que dionysiaques, et pas apolliniennes. Baudelaire est un des rares poètes où la posture esthétique conjoint les deux aspects dans le poème en prose Enivrez-vous.
En clair, le choix de votre texte ne me semble pas judicieux dans ce topic. Ceci dit, je comprends bien ce que vous aimez dans l'alcool avec le choix du poème. La Dive Bouteille de Rabelais vous allait mieux...
(Et excusez-moi d'être tatillonne... Le génie baudelairien ne peut pas se permettre une lecture si littérale...)
Bref, je partage avec vous l'oracle du Quart Livre: (si jamais un modérateur pouvait centrer le poème... On rate un joli calligramme à le voir aligné à gauche...)
O Bouteille,
Pleine toute
De mystères,
D'une oreille
Je t'écoute :
Ne diffère,
Et le mot profère
Auquel pend mon cœur
En la tant divine liqueur,
Qui est dedans tes flancs reclose,
Bacchus, qui fut d'Inde vainqueur,
Tient toute vérité enclose.
Vin tant divin, loin de toi est forclose
Toute mensonge et toute tromperie.
En joie soit l'aire de Noach close,
Lequel de toi nous fit la tempérie.
Sonne le beau mot, je t'en prie,
Qui me doit ôter de misère.
Ainsi ne se perde une goutte
De toi, soit blanche ou soit vermeille.
O Bouteille,
Pleine toute
De mystères,
D'une oreille
Je t'écoute :
Ne diffère.
Re: Les personnes qui vivent saoul ou droguées
Publié : ven. nov. 25, 2011 10:19 am
par Mark
Re: Les personnes qui vivent saoul ou droguées
Publié : ven. nov. 25, 2011 10:53 am
par StellaRose
Je préfère le poême de Baudelaire ..

Re: Les personnes qui vivent saoul ou droguées
Publié : ven. nov. 25, 2011 12:55 pm
par Harry Tuttle
Bonjour AnneB, en effet, point d'injonction, de poussée à faire quoi que ce soit, ni d'encouragement chez Baudelaire.
Je le répète, vous avez raison de dire que l'ivresse dont parle Baudelaire ne se limite pas à celle de l'alcool, et même qu'il n'en est pas la source, mais exclure la réalité de la présence de l'ivresse de l'alcool dans Enivrez-vous, dans Le vin des amants, dans Aude spirituelle, (dans les autres poèmes sur le vin) et même dans les Paradis articiels, dont vous avez parlé, est selon moi incorrect.
Rappelez-vous du Poème du haschich, où il ne cesse de vanter les vertus sociabilisantes de l'alcool par rapport à l'effet du canabis qui pousse à l'isolement. Dans ce texte, il dit que l'un est salutable et l'autre néfaste. Si l'on tient absoluement à voir des prescriptions dans l'oeuvre de Baudelaire.

Re: Les personnes qui vivent saoul ou droguées
Publié : ven. nov. 25, 2011 1:06 pm
par Harry Tuttle
StellaRose a écrit :Je préfère le poême de Baudelaire ..

Et comment!
Jamais aimé Appolinaire. Et encore moins Rimbaud. Le seul poète de langue française que j'ai trouvé le moindrement comparable à Baudelaire, c'est Victo Hugo, dans un tout autre registre.
Je lis actuellement
Les châtiments, et je dois avouer que c'est merveilleusement bien écrit et que la penseé y est également de haut niveau.
Re: Les personnes qui vivent saoul ou droguées
Publié : ven. nov. 25, 2011 1:15 pm
par Virgile
Il y a Mallarmé aussi.
Re: Les personnes qui vivent saoul ou droguées
Publié : ven. nov. 25, 2011 1:24 pm
par Harry Tuttle
Auzelles a écrit :En attendant de saouler avec un bon cru je me suie enivrée de sommeil
Et voilà!
Toute ivresse, même celle du vin ou du merveilleux sommeil, est « recommandée » dans le poème.
Et dans
Sonnet d'automne, la « Berceuse dont la main aux longs sommeils m'invite » pourrait être interprétée par certains comme la mort, je suppose, mais j'ai confiance que Baudelaire sait tenir les rênes de son premier degré et qu'il parle réellement d'une femme.
SONNET D'AUTOMNE
Ils me disent, tes yeux, clairs comme le cristal :
« Pour toi, bizarre amant, quel est donc mon mérite ? »
— Sois charmante et tais-toi ! Mon cœur, que tout irrite,
Excepté la candeur de l’antique animal,
Ne veut pas te montrer son secret infernal,
Berceuse dont la main aux longs sommeils m’invite,
Ni sa noire légende avec la flamme écrite.
Je hais la passion et l’esprit me fait mal !
Aimons-nous doucement. L’Amour dans sa guérite,
Ténébreux, embusqué, bande son arc fatal.
Je connais les engins de son vieil arsenal :
Crime, horreur et folie ! — Ô pâle marguerite !
Comme moi n’es-tu pas un soleil automnal,
Ô ma si blanche, ô ma si froide Marguerite ?
Re: Les personnes qui vivent saoul ou droguées
Publié : ven. nov. 25, 2011 1:28 pm
par Harry Tuttle
Virgile a écrit :Il y a Mallarmé aussi.
Je vais ckecker ça.
Merci.
Re: Les personnes qui vivent saoul ou droguées
Publié : ven. nov. 25, 2011 7:28 pm
par administration
Bravo à Harry!
Je suis honteusement surpris de lire de si bonne répliques de sa part.
Répliques faits avec intelligence ,classe et respect!
Re: Les personnes qui vivent saoul ou droguées
Publié : ven. nov. 25, 2011 8:20 pm
par Jazz
calimero a écrit :Bravo à Harry!
Je suis honteusement surpris de lire de si bonne répliques de sa part.
Répliques faits avec intelligence ,classe et respect!
Cali, tu dis ça parce que tu ne connais pas Harry.
Derrière ses lunettes embuées, son casque de bain et sa moustache pas trimée, se cache un grand nounours.
Re: Les personnes qui vivent saoul ou droguées
Publié : ven. nov. 25, 2011 8:54 pm
par AnneB.
Bonsoir,
D'abord, merci au modo d'avoir centré le calligramme.
Et puis, je suis d'accord avec Calimero: Harry débusque un joli sonnet d'automne. C'est rare qu'on le serve avec classe. Harry fait toujours l'effort d'une tenue tirée à quatre épingles. De toute façon, c'est un XIXèmiste, je crois me souvenir qu'il aime D'Aurevilly... Période que je délaisse ces derniers temps, allez comprendre... C'est peut-être une adolescence de la littérature, un souffle de liberté qui se revendique jusqu'à l'hermétisme parfois, qui me passionne moins. Même Baudelaire est en train de perdre de sa superbe (au sens premier) chez moi. L'impression étrange de voir en lui un élève génial et arrogant. Un peu comme un type qui sait pertinemment qu'en se rendant haïssable (car envié!), on peut être démesurément aimé... Lui et moi, nous nous sommes trop fréquentés, peut-être. Là, je le relis comme on revoit l'amour de ses 15 ans au hasard d'une promenade. C'est agréable et vivifiant.
Bref, long hors sujet -pardon- pardon, mais comme le dit un copain: Le poète a toujours raison.
Re: Les personnes qui vivent saoul ou droguées
Publié : ven. nov. 25, 2011 9:07 pm
par AnneB.
Harry Tuttle a écrit :Jamais aimé Appolinaire. Et encore moins Rimbaud. Le seul poète de langue française que j'ai trouvé le moindrement comparable à Baudelaire, c'est Victo Hugo, dans un tout autre registre.
Je lis actuellement Les châtiments, et je dois avouer que c'est merveilleusement bien écrit et que la penseé y est également de haut niveau.
Pour Apollinaire, (1P, 2L): bof aussi. Ça me parle peu. Rimbaud, pareil: ça passe avec la fin de l'adolescence.
Hugo! Ah, Hugo... (me faut un bâillon, là, si je commence, je ne m'arrête plus...) Si j'avais pu être Juliette D....