« Peur de toutes les formes susceptibles de déclencher un amour transformant. Peur bleue – peur rouge – peur blanche : maillon de notre chaîne »
– Refus Global, 1948
À faire vomir… le Grand Prix et son orgie de médiocrité.
À faire vomir… le contrôle de l’État et la répression policière.
À faire vomir… notre élite médiatique et politique.
Vomir, vomir et encore vomir… Tel est l’effet que devrait provoquer le portrait de notre Belle Province par les temps qui courent.
La peur
Si nous savions déjà que notre élite a peur des communistes, des anarchistes, du désordre, des émeutes, des grèves, des manifestations, de la désobéissance civile et des jets pierre; on ne savait pas qu’elle avait également une peur (un brin pathologique) des carrés rouges, du bruit des casseroles, de la fumée, des enveloppes contenant du bicarbonate de soude et des affiches de groupes rock. Pour terminer son papier dénonçant Amir Khadir parce qu’il a participé à une manifestation illégale (sic), André Pratte, dont l’analyse est toujours aussi fine et nuancée, soutient
« Dès que le respect de la loi n’est plus une règle absolue, on s’en remet au jugement de chacun pour déterminer jusqu’où peut aller la “résistance”. Autrement dit, on cède la place à l’arbitraire. Après le bicarbonate de soude, que mettra-t-on dans les enveloppes? » [1].
M. Pratte se pose les bonnes questions.
La radicalisation est à craindre.
Il suffirait d’ajouter quelques tasses de farine, un œuf, un peu de sucre et une pincée de sel pour que ce qui n’était au départ que du bicarbonate de soude se transforme en véritable… gâteau.
Et vous avez vu cette affiche du groupe de musique Mise en demeure que le SPVM a trouvé chez M. Khadir? C’est du sérieux tout ça… Le ministre de la Santé, Yves Bolduc, craint d’ailleurs que les « messages subliminaux » contenus dans l’affiche provoquent des réactions chez les « personnes vulnérables ». On ose à peine imaginer la réaction des politiciens lorsqu’ils découvriront que la « Bananarchiste » fait également partie de ce groupe subversif [2].
Pour la sécurité
Quoiqu’en disent Amnistie internationale et l’ONU, l’accentuation de la répression et du contrôle sont de mise… Parlez-en à M. Facal, il en fait même des cauchemars on ne peut plus délirants où il est persécuté par notre « Mao » du Plateau [3]. Parlez-en également à M. Charest qui, afin de défendre ses policiers, ne se gêne pas pour affirmer mensongèrement et sans l’ombre d’une preuve que « des touristes ont été rudoyés » par des étudiants [4].
On ne sait pas si c’est dans un camp de formation de la CLASSE, du F.L.Q. ou du Hamas que ces « fascistes » [Bachand] ont appris à développer ces techniques d’« intimidation » [St-Pierre], mais, chose certaine, c’est que leur campagne de violence fonctionne. La preuve : le Journal de Montréal, samedi matin, titrait en première page : « Menacé de mort » avec la photo du beau Jacques Villeneuve.
Ça donne des frissons, non?
Comment ne pas se sentir concerné quand des étudiants s’en prennent à de pauvres coureurs automobiles de réputation internationale? Heureusement que certains se sont portés à la défense du brave pilote qui a courageusement « dit tout haut ce que plusieurs pensent tout bas » [Duhaime].
Par chance… le pire a ainsi été évité. Le fait d’arrêter systématiquement les porteurs de carré rouge était donc nécessaire [5]. Lorsque les « rouges » tiennent des piquets de grève pour faire respecter les décisions de leurs assemblées générales, c’est de l’intimidation, de la violence et une atteinte au droit à l’éducation; par contre, lorsqu’une armée de policiers envahit le métro et les rues de la ville pour fouiller et contrôler ces mêmes « rouges », il s’agit d’un mal nécessaire. Pire encore, selon Yves Boisvert, ce sont les étudiants qui seraient responsables du profilage dont ils sont victimes : « S’il y a une “criminalisation” du conflit, c’est que des actes criminels ont été commis au nom de la cause, ou avec la cause comme prétexte. Pas parce que nous vivons dans un État policier » [6]. On remarque la similitude de ses arguments avec ceux qui sont généralement évoqués pour justifier la forte présence des noirs en milieu carcéral.
Nos chroniqueurs ont ainsi choisi, comme c’est d’ailleurs dans leur habitude de le faire, de s’inventer des hommes de paille à la mesure de leur talent. Il est manifestement plus facile de s’imaginer des adversaires qui crient au « fascisme », au « nazisme » et à « l’État policier » que de répliquer aux critiques des juristes, d’Amnistie internationale et de l’ONU. Cette orientation du débat leur permet, encore une fois, de faire passer leur opinion pour minoritaire, raisonnable et courageuse.
Le courage
Si cette pathétique sensiblerie caractéristique de notre élite réactionnaire en manque de légitimité peut parfois faire sourire, il ne faut pas la prendre à la légère. Car ces larmes de crocodile sont bien utiles à l’isolement et à la répression de la CLASSE que tente de créer le gouvernement.
C’est cette peur qui justifie les arrestations de masse et qui amène l’escouade antiémeute dans nos cégeps et dans nos universités. C’est elle qui justifie la loi spéciale – cette loi qui soumet le droit de manifester à l’autorité policière et donne des pouvoirs arbitraires et exceptionnels à la Ministre. C’est elle qui provoque ecchymoses, vomissements, foulures, fractures, commotions cérébrales et blessures graves. Et c’est encore elle qui permet aux policiers de faire du profilage politique, d’arrêter des journalistes ou des caméramans amateurs.
Autrement dit, cette vaste campagne de peur fait progressivement glisser le Québec dans la répression, le contrôle et l’autoritarisme.
Et cela s’effectue, bien entendu, au nom de la démocratie et de la liberté.
***
Le Québec d’aujourd’hui est à faire vomir une hyène à répétition. Il fait de quelques millionnaires méprisants et démagogues des icônes de courage. Il regarde bêtement sa jeunesse se faire contrôler et matraquer pour lui permettre d’admirer son show de boucane en paix. Cette peur, si elle peut raisonnablement donner la nausée à tout être humain sensé, ne signifie pourtant pas qu’il est impossible de changer la société. Non seulement elle nous rappelle que notre époque en est une de crise et de perte de sens, elle nous renseigne sur le niveau de décadence que nous avons collectivement atteint.
Elle nous donne la mesure, la hauteur du changement à effectuer. Elle nous rappelle que nous avons l’obligation de transformer le monde, sous peine de sombrer, et de plus en plus, dans le contrôle et la médiocrité.
http://voir.ca/marc-andre-cyr/2012/06/1 ... -province/
Excellent texte de Marc André Cyr, qui décrit très bien ce qui se passe aujourdui dans notre belle province. Que pratiquement tout les médias de masses qui se mettent à dos la jeunesse québécoise, n'est vraiment pas normal.
