Le sympathique Jack Layton tenait hier, pâle et amaigri, une émouvante conférence de presse pour annoncer, la voix nouée et méconnaissable, qu’il doit temporairement se retirer de ses fonctions de chef du Nouveau Parti Démocratique afin de consacrer toutes ses énergies à combattre un deuxième cancer.
Mauvais présage: contrairement à sa totale transparence lorsqu’il annonçait le 5 janvier 2010 qu’il luttait contre un cancer de la prostate, l’homme de 61 ans a refusé cette fois-ci de préciser la nature de son nouveau cancer.
GRAND VIDE
Son départ, définitif ou non, laissera un trou béant à Ottawa, particulièrement sur les banquettes de l’opposition. Lors de la dernière élection fédérale, le chef néo-démocrate avait véritablement séduit les Québécois avec sa canne, sa moustache, son sexy accent anglo-joual, son sourire et même son chandail du Canadien.
Il a réussi ce qu’une toute petite poignée d’hommes politiques a accompli dans l’histoire canadienne: élever un tiers parti au statut d’alternative au gouvernement, au poste d’Opposition officielle à la Chambre des communes.
Ce succès historique revient d’abord et avant tout à Layton personnellement. Son optimisme, sa sincérité et sa bonne humeur permettait une percée que personne ne voyait venir au Québec.
Il est rare de voir un politicien passer autant d’années dans la capitale fédérale et demeurer toujours aussi positif et passionné. On ne l’a pas vu devenir au fil des ans, comme beaucoup d’autres, aigri ou cynique.
Ce n’est pas le programme socialiste du NPD ou de jeunes étudiants inconnus pour lesquels les Québécois votaient le 2 mai dernier mais bien plutôt pour ce « bon Jack ».
RADICALISATION EN VUE?
Voir arriver l’actuelle présidente du caucus, Nycole Turmel, comme cheffe intérimaire en laissera cependant plusieurs songeurs. Cette ex-présidente de l’Alliance de la Fonction publique du Canada, principal syndicat des fonctionnaires fédéraux, risque de donner une image un peu plus militante et socialiste au parti.
Le plus modéré député d’Outremont et chef-adjoint du NPD, Thomas Mulcair, continuera heureusement de jouer un rôle central.
Si la santé de Layton l’empêchait de revenir à Ottawa pour la rentrée parlementaire en septembre prochain et qu’une course à la direction pour choisir un nouveau chef permanent s’imposait, la question de la succession ne devrait pas diviser les troupes, dans la mesure où seul Mulcair peut, à pied levé, prendre la relève.
Maintenant que le NPD est principalement représenté par des élus québécois, les unilingues anglophones doivent se tasser et se mordre les pouces.
PROMPT RÉTABLISSEMENT
La politique se veut souvent cruelle. Quand elle ne provoque pas une défaite dans la honte qui précipite votre départ, elle vous fait gagner sans vous en faire profiter pleinement.
Est-ce que les dures exigences physiques d’une campagne électorale au printemps et l’encadrement d’un groupe inexpérimenté de députés depuis hypothéquaient la santé d’un homme en rémission?
Monsieur Layton, vous avez un vote unanime de tous les Canadiens et de tous les Québécois dans votre prochaine bataille. Vous nous avez déjà prouvé que vous êtes un battant. Vous pouvez gagner les combats les plus difficiles. Revenez-nous rapidement en pleine forme!
Éric Duhaime
Lien: Journal de Québec
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D'accord ou pas avec ses visions politiques, on lui souhaite le meilleur des courages !